Entre recevoir une somme d’argent comme cadeau et recevoir un don manuel, la distinction est parfois subtile mais peut avoir de lourdes conséquences, notamment fiscales.
La crise sanitaire a engendré une crise économique pour de nombreuses personnes. Dans beaucoup de familles, la solidarité a joué à plein, entrainant des coups de pouces financiers. Mais si recevoir une somme d’argent pour son anniversaire ou pour Noël est une chose assez courante, quand la somme est importante, le cadeau, ou présent d’usage, peut être requalifié de don manuel. Ce qui a de lourdes conséquences.
Le don est taxable
D’abord parce qu’au plan civil le premier sera rapportable à la succession de celui qui le consent alors que le second ne le sera pas. La distinction est également importante au plan fiscal puisqu’un don manuel sera taxable aux droits de mutation à titre gratuit sur le fondement des articles 757 et 784 du Code Général des Impôts alors qu’un présent d’usage ne le sera pas. Le problème est qu’il est souvent difficile d’établir une frontière claire entre présent d’usage et don manuel. « En cas de contentieux, lors d’une succession, c’est au juge qu’il appartient d’apprécier si le cadeau fait à l’occasion d’un événement particulier constituait un présent d’usage ou si au contraire, compte tenu de son importance, il a généré un appauvrissement du donateur et doit être qualifié de don manuel ».
Y a-t-il une valeur maximale à ne pas dépasser ?
Le premier critère pour les juges est le moment du don. « Il faut que le don soit fait à l’occasion d’un évènement où il est usuel de faire un cadeau (anniversaire, noël, mariage, réussite à un examen…). Un don qui intervient hors d’un évènement particulier ne peut être qualifié de présent d’usage ».
S’agissant du montant du présent d’usage, de sa valeur, l’article 852 du Code civil précise que « le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant ». Chaque terme à son importance. La Cour de cassation dans un arrêt en date du 10 mai 1995 a confirmé un arrêt d’appel qui avait considéré que la remise par un père à sa fille de 8 aquarelles d’une valeur globale de 70 000 francs (11 000 € environ) à l’occasion du mariage de cette dernière en 1975 constituait, compte tenu de la fortune du père et de leur valeur à cette date, un présent d’usage quand bien même sept des huit aquarelles avaient été vendues par la fille, 10 ans après son mariage, pour un prix de 5 620 000 francs (860 000 € environ). « Le principe posé par le Code civil est donc que plus une personne est fortunée, plus elle peut faire des cadeaux importants sans s’appauvrir et donc sans que cela constitue un don manuel. Soulignons en effet que si un présent d’usage n’est pas rapportable à la succession de son auteur c’est parce qu’il ne constitue pas une libéralité, c’est-à-dire qu’il n’entraîne pas de dépouillement de son auteur ». Ainsi un même cadeau de 100 000 euros pourra être considéré comme un cadeau de la part d’une personne fortunée et comme un don pour un donateur modeste.
Pas de proportionnalité pour les cadeaux
« Malheureusement, l’examen de différentes jurisprudences rendues à l’occasion de contentieux entre héritiers ou avec l’administration fiscale ne permet pas d’établir une règle de proportionnalité par rapport aux revenus ou à la fortune du donateur ». Pour ne rien simplifier, il semble résulter de la jurisprudence de la Cour de cassation que la proportionnalité entre les revenus et la fortune de celui qui fait le cadeau et la valeur de celui-ci ne soit pas sans limite. En effet, dans un arrêt du 6 décembre 1988, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation retient que les présents d’usage sont des cadeaux « n’excédant pas une certaine valeur » sans faire référence à la situation patrimoniale de l’auteur du don litigieux.
L’administration fiscale ne fixe pas davantage de principe de proportionnalité. Elle indique au contraire dans sa doctrine que « la qualification de présent d’usage pour un cadeau consenti résulte (…) d’un examen des circonstances concrètes de chaque affaire, incompatible avec l’application de critères normatifs préétablis » (décision de rescrit du 3 avril 2013).